Le 10 000 m de Montréal
Puis il remit ça sur le 5 000 m. Enfermé à la cloche, il parvint à se dégager ligne opposée (bien aidé par son coéquipier Mohamed Kedir qui lui laissa l’intérieur) pour s’imposer au terme d’un dernier tour diabolique (dernier 200 en 27’’2 pour une victoire en 13’20’’91). « Nous en avions parlé avec les coaches et je m’étais préparé à attaquer aux 300 m, à la fois sur le 10 000 et le 5 000 m. Démarrer aux 300 mètres est l’endroit idéal. Ce n’est ni trop tard, ni trop tôt » expliquait-il en 2004. https://youtu.be/HL0wGobeKZ4?t=12m8s Le 5 000 m de Moscou Dans Les géants de la course à pied, La Saga des Pedestrians, Noël Tamini raconte l’anecdote suivante. « Voici comment il avait été découvert : Négoussé Roba, fameux entraîneur national, me l’a conté (à Noël Tamini, donc, ndlr) en juin 1986. “C’était à Asmara, en 1968. L’équipe nationale pour Mexico se trouvait en camp d’entraînement. Un jour qu’on allait faire un test sur 5 000 m, un petit jeune vient vers moi. “Je veux courir avec eux…“ qu’il me dit. Je lui ai dit quelque chose comme : “fiche le camp, tu n’es pas assez entraîné !“ Mais autour de nous, les gens du coin insistèrent : “Laissez-le courir, et puis vous verrez bien…“ Le gars démarra comme un fou. Au bout de trois tours, il avait déjà une nette avance sur tous les autres. Et puis il s’écroula, frôlant la syncope. Amusé, je notai tout de même son nom et son adresse, lui disant de patienter jusqu’à mon retour de Mexico. Plus précisément, je lui donnai rendez-vous à telle course que disputeraient alors les Forces armées. Le petit gars vint au rendez-vous. C’était Meruts Yifter ». Qui a commencé à faire parler de lui au niveau international en 1971, à l’occasion d’un match USA/Afrique. « The Shifter » avait fait montre de son habileté à changer brutalement de vitesse pour décrocher un certain Steve Prefontaine, dont la légende court toujours…mais un tour trop tôt ! Le lendemain, cette fois-ci sur le 10 000 m, il s’offrait le scalp de Franck Shorter, futur champion olympique sur marathon en 1972 à Munich. « Les gens peuvent voler mes poulets ; les gens peuvent volent mes moutons. Mais personne ne peut voler mon âge » Munich, 1972, où Yifter obtint sa première médaille olympique –le bronze- sur 10 000 m, manquant de facto les Jeux de Montréal en 1976 suite au boycott de l’Ethiopie et des pays africains (en protestation contre la participation de l’Afrique du Sud –et sa politique de l’apartheid). Yifter a passé les dernières années de sa vie au Canada, à l’aube du nouveau millénaire, où il est donc décédé le 23 décembre. Sa mort a dans un premier temps été rapportée quelques jours auparavant, faisant état d'un problème pulmonaire, avant finalement d’être officialisée la veille de Noël. Un décès entouré d’une part de mystère, comme quelques autres épisodes de sa vie…au premier chef duquel sa date de naissance…située quelque part entre 1938 et 1944.